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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 14:35
Homélie du 34e Dimanche du Temps Ordinaire - Jésus-Christ Roi de l'Univers

 

 

« Jésus-Christ : Roi de l'Univers ! » :

Discussion avec le Philosophe Blaise Pascal !

 

 

 

     Voici un verset de Saint Paul qui pourrait nous guider dans notre début de réflexion au sujet de la solennité de Jésus-Christ, Roi de l'Univers, que nous sommes invités à considérer en ce dimanche : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre esprit, votre âme et votre corps soient parfaitement gardés pour être irréprochables lors de la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui vous appelle est fidèle : c'est lui qui encore agira. » (1 Thessaloniciens 5,23 ; Traduction Œcuménique de la Bible). Il s'agit d'un curieux verset. La note de ma Bible explique qu'il n'est pas vraiment représentatif de la pensée de Saint Paul. Son interprétation est sujet de controverse.

 

     Pourtant, il me semble qu'il soit possible que ce verset puisse être considéré en lien avec les trois ordres, (domaines ou règnes), tels qu'ils ont été définis par le philosophe Blaise Pascal. « L'esprit », ainsi désigné par Saint Paul, correspondrait au règne pascalien de « la pensée. » « Le corps » peut être entendu par Pascal comme les étendues ou les réalités matérielles des êtres et des choses. Enfin, « l'âme », (ce qui anime tout cela) est une participation à la sagesse et à l'amour de Dieu.

 

     En effet, voici ce qu'affirme Pascal, dans un texte que je modifie légèrement afin de faciliter sa compréhension :

 

     « La distance infinie qui est des corps aux esprits représente la distance infiniment plus infinie des esprits à l'amour de Dieu, car cet amour est surnaturel. » Voici donc ce qui est posé et que nous nous proposons, à l'aide des mots de Pascal lui-même, d'expliquer et de commenter.

 

 

     La Distance Infinie entre le Monde de l'Esprit de Celui des Corps

 

     Pascal explique ainsi la distance infinie qui est entre le monde des corps (le monde matériel) et celui de l'esprit (le monde de la pensée) : « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. (Pensons à la taille du virus!) Mais quand bien même l'univers l'écraserait, l'homme serait même dans ce cas plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui ; l'univers n'en sait rien.

 

     Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est à partir de là qu'il nous faut nous relever, et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. » (C'est-à-dire de la réalisation de notre être). (…) « Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du règlement de ma pensée. Je n'aurai pas davantage en possédant des terres : par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprend. » (C'est-à-dire que je l'embrasse tout entier).

 

     Voici encore en d'autres termes la manière avec laquelle Pascal décrit la distance entre l'ordre de la matière de celui de la pensée : « Tout l'éclat des grandeurs (matérielles) n'a point de lustre (de splendeur, de gloire) pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit.

 

     La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair.

 

     Les grands génies ont leur empire, leur domination, leur éclat, leur grandeur, leur victoire, là où elles n'ont pas de rapport. Ils sont vus non des yeux mais des esprits.

 

     Archimède, sans éclat, (même sans qu'il appartienne à la noblesse ou à la classe aristocratique de son époque) serait en même vénération. Il n'a pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. Oh, qu'il a éclaté aux esprits !

 

     Il eut été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoi qu'il le fut.

 

 

     Distance infinie entre le Monde de l'Amour de Dieu et le Monde de l'Esprit

 

     Cependant, Pascal ne s'en tient pas au règne de la pensée ou de l'esprit, comme le feraient bon nombre de penseurs contemporains. Il reconnaît que malgré toute la grandeur et la dignité de celle-ci, il est encore un autre domaine qui le dépasse : le domaine de la sagesse, de la charité ou de l'amour de Dieu. Voici donc ce qu'il en écrit :

 

     La grandeur de la sagesse, qui n'est rien si elle ne vient de Dieu, est invisible à la fois aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents.

 

     Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur grandeur, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport, car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu, et des anges, et non des corps ni des esprits curieux : Dieu leur suffit.

 

     Jésus-Christ sans biens et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'invention, il n'a point régné ; mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh ! Qu'il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence, aux yeux du cœur et qui voient la sagesse !

 

     Il eut été inutile à Notre Seigneur Jésus-Christ pour éclater dans son règne de sainteté de venir en roi ; mais il y est bien venu avec l'éclat de son ordre ! (c'est-à-dire avec la grandeur correspondant à son ordre).

 

     Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse (selon la chair et selon l'esprit) de Jésus-Christ, comme si cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu'il venait de faire paraître. Qu'on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l'élection des siens, dans leur abandon, dans sa secrète résurrection, et dans le reste, on la verra si grande, qu'on aura pas sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas » (si on le considère dans son ordre, celui de la sainteté).

 

     Le philosophe poursuit et conclut sa réflexion par quelques formule ramassées :

 

     « Il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avait pas de spirituelles ; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles, comme s'il y en avait pas d'infiniment plus hautes dans la sagesse.

 

     Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits ; car il connaît tout cela, et soi ; et les corps, rien.

 

     Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité (amour de Dieu). Cela est d'un ordre infiniment plus élevé.

 

     De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire sortir une petite pensée : cela est impossible, et d'un autre ordre. De tous les corps et les esprits, on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela est impossible, et d'un autre ordre, surnaturel. »

 

 

     Les Trois Ordres comme les Trois Marches d'une Échelle ou d'une Pyramide

 

     Les trois ordres sont distincts, mais ils ne sont ni séparés ni nettement indépendants les uns des autres. Ainsi, afin de parvenir au royaume de l'esprit ou de la pensée, il est bien évident qu'il soit nécessaire d'avoir un corps pour le faire. Le règne de la pensée ne nie pas la réalité du corps, mais il invite à ne pas s'y égarer, comme par exemple en y investissant la totalité de nos capacités et de nos ressources. La vocation de l'homme doit s'élever au-delà de la considération seule de ce corps, en accédant à ce qui le dépasse, qui est la pensée.

 

     Il en est bien ainsi du règne du Royaume de Dieu, de l'amour ou de la sagesse. Ce règne ne vient pas nier les réalités du corps et de l'esprit, mais il invite à parvenir au-delà, un peu comme si l'on montait sur une marche supplémentaire sur une échelle ou un escabeau. Il est nécessaire de monter sur les premières (les plus basses), afin d'accéder sur les dernières (les plus hautes).

 

     L'essentiel pour Pascal, est de ne pas rester indéfiniment sur une marche de niveau inférieur, mais de poursuivre jusqu'à ce qui fait la plénitude de la vocation humaine : l'entrée pleine et entière dans la dimension de l'amour de Dieu.

 

 

     Matthieu 25 : La Royauté du Christ lors du Jugement Dernier

 

     Les trois ordres étant maintenant définis, il nous devient possible de considérer afin, de bien la comprendre, la royauté du Christ dans ce qu'elle est véritablement : une royauté dans l'ordre de l'amour, et non pas dans l'ordre matériel, ni même dans celui de la pensée. Le magnifique récit qui nous est offert dans l'évangile de ce dimanche nous l'affirme avec force : l'ultime justification devant Dieu ne se fera pas en fonction de ce que nous aurons possédé en cette vie, ni même en fonction de ce que nous aurons pensé et exprimé, mais en fonction de ce que nous aurons aimé, et de la manière avec laquelle nous l'aurons fait. Et dans l'ordre de l'amour, nous n'avons qu'un seul roi ! Jésus-Christ.

 

     La seigneurie du Christ apparaît dans tout son éclat dans cet ordre, et dans cet ordre seulement. C'est Lui, le Christ, l'exemple parfait, l'inspirateur, le modèle, l'idéal dans cet ordre de la charité.

 

     Demandons donc la grâce d'entrer dans cet ordre de l'amour ou de la charité. Prions les uns pour les autres, afin que les portes de cet ordre ne nous soient pas indéfiniment fermées. Prions afin que nous ne restions, ni insensibles, ni aveugles, aux réalités de cet ordre.

 

     Et recevons le Christ en ce jour, comme notre seul vrai chef et notre ultime directeur !

 

 

Homélie du 34e Dimanche du Temps Ordinaire - Jésus-Christ Roi de l'Univers

 

Lectures :

 

1. Ézéchiel 34, 11-17 : Toi, mon troupeau, apprends que je vais juger entre brebis et brebis.

 

2. Psaume 22 : Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

 

3. 1 Corinthiens 15, 20-28 : Le Christ remettra son pouvoir royal. Dieu sera tout en tous.

 

4. Matthieu 25, 31-46 : Le Fils de l'homme séparera les hommes les uns des autres.

 

 

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