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25 novembre 2020 3 25 /11 /novembre /2020 19:32
Homélie du 1er Dimanche de l'Avent - Année B

 

La Tache sur le Dessin

 

 

     Un Portrait Taché

 

 

     À l'école, lors d'une session de dessin artistique, il nous était un jour demandé d'effectuer un dessin ou une peinture de notre choix. Ce n'était pas souvent le cas, mais cette fois-ci, le choix du sujet était totalement libre. J'avais alors décidé de reproduire un portrait en noir et blanc, qui, au finale me plaisait bien. Cependant, alors que j'étais en train de dresser le portrait que j'avais choisi, j'avais laissé tomber une belle tache d'encre noire sur un endroit de la feuille qui devait rester blanc, à quelques centimètres du visage en question. C'était bien fâcheux ! Pourtant, cette tache n'a pas empêché le dessin d'être sélectionné pour une exposition des « plus belles pièces » des élèves, lors de la kermesse de fin d'année. J'en n'étais pas peu fier !

 

 

     Temps de l'Avent – Temps de l'Espérance ?

 

 

     Il nous est offert d'entrer dans le temps de l'avent, temps qui nous est proposé, comme nous le rappelle si bien Mgr Habert, comme le « temps de l'espérance. » Mais justement, l'espérance n'est-elle pas particulièrement bien mal menée, en ce moment dans lequel tout nous semble bousculé, perturbé, et dans lequel une avalanche de mauvaises nouvelles nous « tombe dessus. » Certaines personnes, et parfois proches de chez nous, vivent des destins des plus tragiques, et nous ne pouvons pas le nier. Alors, comment parler de l'espérance au milieu d'un contexte si délicat, si pénible, si cruel? Il n'y a rien de simple…

 

 

     Prendre l'Évangile au Sérieux

 

 

     Parfois, je me demande si nous prenons véritablement l'évangile au sérieux. Un exemple peut se trouver dans celui qui nous est proposé en ce dimanche. En effet, il comporte un petit verset qui pourrait passer inaperçu, et qui, pourtant, semble dire tant de choses essentielles !

 

     L'enseignement que nous offre Jésus en ce jour, ose en effet comparer le temps qui est le nôtre avec celui d'une maisonnée dont le maître est parti en voyage, après avoir « donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. » Tout me semble dit au travers ce verset. Le maître est parti en voyage. Il a quitté la maison. Il n'est plus là. Il est absent. Pour de vrai. Mais cela ne signifie pourtant pas qu'il n'existe pas !

 

 

     La Question du Mal

 

 

     La question du mal hante souvent nos questionnements au sujet de la foi : « si Dieu existait, il n'y aurait pas tel ou tel malheur, toutes ces guerres et catastrophes, toutes ces maladies... » Alors, c'est vrai, nous sommes scandalisés. Et en conséquence, nous pouvons tendre à vivre comme si Dieu n'existait pas, et même aussi, nous pouvons nous convaincre du fait qu'Il n'existe pas, par toutes sortes de raisonnements et d'excuses.

 

     Mais une autre vérité demeure possible, et c'est celle qui nous est offerte par l'évangile de ce jour : Dieu est parti ! Dieu est parti, momentanément certes, mais vraiment parti, comme en voyage. Il existe, mais Il se rend absent à nous-mêmes, à nos perceptions et à nos entendements. Il est absent pour de vrai, et il ne faut pas compter sur Lui, afin de régler au jour le jour nos difficultés. Il ne faut pas compter sur Dieu pour solutionner nos malheurs, puisqu'il « nous a laissé tout pouvoir ! » En fait, il n'a jamais été là pour cela !

 

     Encore une fois, Dieu est absent, mais cela ne signifie pas qu'Il n'existe pas. Il est simplement éloigné, mais Il reviendra. Il reviendra comme le fera le maître de maison dans notre parabole ! Et en attendant, Il compte sur nous, sur chacune et chacun d'entre nous, afin que nous fassions tout le travail qui nous est possible, selon les talents, les dons que nous aurons reçu, et qui sont pour le bien de tous.

 

 

     Attendre le Retour de Dieu

 

 

     La réalité du retour de Dieu est un don qui nous sera offert, gratuitement, lorsque nous ne nous y attendrons le moins. Les heures du retour du maître de maison, dans notre parabole, se situent toutes dans la nuit : « le soir, à minuit, au chant du coq ou le matin. » Et ce sont les moments les plus improbables pour un retour !

 

     Mais n'est-il pas aussi, une autre manière d'attendre la réalité du retour de Dieu, et pour laquelle cette fois, nous sommes tous responsables ? Par exemple, au travers le travail de transformation de notre vie et de nos réalités, et au travers l'attente, le désir, que nous pouvons entretenir en nous-mêmes, afin de nous trouver dignes de participer à l'avènement d'un monde tant soit peu, meilleur ! Travailler à un monde meilleur, c'est une autre manière de travailler au retour de Dieu et à l'avènement de son royaume !

 

 

     Cultiver l'Espérance et Convertir le Regard

 

 

     Quelle espérance allons-nous entretenir en nous-mêmes et en notre monde ? Que nous fera-t-il de nous décourager, de nous plaindre, de murmurer au sujet des malheurs qui nous oppressent ? Tout cela ne nous mènera à rien de constructif, surtout si nous en restons aux gémissements, sans rien y faire, et surtout, sans agir.

 

     Ainsi, les malheurs de la vie sont un peu comme la tache sur le dessin : la tache est bien réelle, sa présence est fâcheuse, et nous ne pouvons que nous attrister de sa présence. Mais est-ce le tout du dessin ? La présence de la tache doit-elle m'obséder afin de me paralyser et de me bloquer de tout autre regard et et de toute action, de tout travail ? Ne serait-ce pas là, une manière de nous endormir au sujet de ce qui est autrement possible, et autrement meilleur en moi-même et en notre monde? N'y a-t-il pas autre chose à quelques centimètres de la tache ? N'y a-t-il pas d'autres réalités dans la vie que celle du malheur ?

 

     Le commandement, l'avertissement de Jésus au sujet de nous trouver en état de veille peut trouver ici une explication : veiller, c'est garder la capacité de regarder un peu plus loin, un peu plus haut que les afflictions que la vie m'infligent. C'est garder la capacité de pouvoir lever les yeux et de lever la tête, afin d'attendre autre chose de la vie que le malheur. Je peux aussi en attendre quelqu'un...

 

 

     Savons-Nous que Dieu nous Aime... Quand Même… ?

 

 

     À un monsieur qui expliquait ne pas croire, et qui déclamait tant de bonnes raisons pour cela, Raphaël, âgé de 12 ans n'a cessé de répéter, inquiet : « mais vous savez quand même que Dieu vous aime ? » (Témoignage dans Famille Chrétienne, no 2235 page 36).

 

 

     Ainsi, nous aurons toujours le choix.

 

     Ou bien nous acceptons de nous laisser dominés par les défauts, par la présence de la tache sur le dessin, c'est-à-dire par l'expérience du manque, du mal et du malheur. Dans ce cas, il est probable que nous soyons déjà vaincu par ce mal que nous dénonçons, puisque celui-ci nous domine, puisque celui-ci investit la plus grande partie de nos sentiments et préoccupations !

 

     Ou bien, nous travaillons à préserver nos capacités d'admirer le reste du dessin, les autres réalités de la vie, pour lesquelles nous exerçons aussi une part de responsabilité. N'est-ce pas là en définitive, la meilleure manière de combattre le mal ? Pourquoi devrions-nous lui donner tant de place ? Et que l'on ne dise pas que c'est nier sa réalité que de demander qu'il ne prenne pas toute la place !

 

     Oui, en effet, l'espérance est au cœur de l'évangile d'aujourd'hui, l'espérance comme une vertu que je cultive en moi-même, l'espérance qui est une manière efficace de combattre le mal. Car lorsque j'espère, je ne suis plus dominé, submergé par le mal et par ses réalités. La conviction de savoir que la réalité du mal sera un jour défait, est déjà une défaite du mal, car alors, ce mal ne va plus m'opprimer et me détruire de la même manière.

 

     Entrons donc dans ce temps de l'avent, avec toute l'espérance qui nous est possible !

 

 

     Rousseau et Voltaire au Sujet de l'Espérance

 

 

     Je ne résiste pas à la tentation de partager deux réflexions sur l'espérance de la part d'écrivains assez improbables.

 

     La première nous vient du philosophe Jean-Jacques Rousseau, répondant à Voltaire et qui tente d'expliquer pourquoi les personnes dans le malheur sont souvent davantage marquées de la vertu d'espérance que les autres. N'avons-nous pas souvent remarqué le simple fait que les populations des pays en voie de développement semblaient souvent plus heureuses que celles des pays occidentaux ? Voici ce qu'en écrivait Rousseau, qui se décrit lui-même en la qualité d'infortuné par contraste avec Voltaire, un mondain vivant dans le luxe :

 

     « Non, j'ai trop souffert en cette vie pour n'en pas attendre une autre. Toutes les subtilités de la métaphysique ne me feront pas douter un moment de l'immortalité de l'âme et d'une Providence bienfaisante. Je la sens, je la crois, je la veux, je l'espère… Rassasié de gloire et désabusé des vaines grandeurs, vous vivez libre au sein de l'abondance : vous ne trouvez pourtant que mal sur la terre ; et moi, homme obscur, pauvre, tourmenté d'un mal sans remède, je médite avec plaisir dans ma retraite et trouve que tout est bien. D'où viennent ces contradictions apparentes ? Vous l'avez vous-même expliqué : vous jouissez, moi j'espère et l’espérance adoucit tout. »

 

 

     La deuxième citation nous vient justement de Voltaire, avec un propos en vers qui ne lui ressemble pas, et qui tend à affirmer que Voltaire et Rousseau n'étaient peut-être pas autant en désaccord qu'il ne semblait…

 

 

     « Un calife, autrefois, à son heure dernière,

 

     Au Dieu qu'il adorait dit pour toute prière :

 

     ' Je t'apporte, ô seul roi, seul être illimité,

 

     Tout ce que tu n'as pas dans ton immensité,

 

     Les défauts, les regrets, les maux et l'ignorance.'

 

     Mais il pouvait encore ajouter l'espérance. »

 

 

 

 

Homélie du 1er Dimanche de l'Avent - Année B

 

1er Dimanche Avent – Année B

 

     1. Isaïe 63 : « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! »

 

     2. Psaume 79 : Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s'éclaire, et nous serons sauvés !

 

     3. 1 Corinthiens 1, 3-9 : Nous attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ.

 

     4. Marc 13 : Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison.

 

 

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