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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 06:50
Homélie du 16e Dimanche du Temps Ordinaire - Année A

 

La Pivoine

 

 

     Alors que j'essaie de faire un peu de jardinage, bien même que je ne m'y connaisse pas grand-chose, (presque rien pour être plus exact), une difficulté permanente que je rencontre est la suivante : celle de bien identifier les plantes et les espèces qui se trouvent sur les plate-bandes et les allées. Quelles sont leurs caractéristiques ? Est-ce que ce sont des fleurs ? Sont-elles utiles ? Que dois-je faire ? Les arracher ou les laisser vivre ? Les déplacer ? Le temps et l'expérience me permettra je l'espère d'être un peu plus averti, mais pour l'heure, c'est très souvent un sujet difficile et délicat !

 

     Ainsi, sur une petite section du jardin, j'ai voulu suivre le conseil de Saint François d'Assise : laisser la nature faire toute seule son œuvre, laisser les petites plantes et les petites bêtes se frayer leur chemin de vie, sans que je vienne les en empêcher. Et alors que nous sommes au milieu du mois de juillet, qu'est-ce que je trouve sur cette petite parcelle ? De nombreuses herbes communément qualifiées de « mauvaises », assurément. Mais au milieu d'entre elles, je trouve aussi des coquelicots sauvages, du pavot de Californie, quelques glaïeuls et une belle pivoine couleur pourpre. Si j'avais effectué un grand nettoyage complet du jardin, je n'aurais jamais su qu'il contenait ces fleurs magnifiques !

 

     Voilà ce que Jésus nous enseigne aujourd'hui : ne nous hâtons pas de faire le grand nettoyage, le grand désherbage. Il se pourrait bien que nous nous mélangions les pinceaux, et arrachions des plantes belles et utiles en même temps. Et puis que savons-nous vraiment de toutes ces plantes et de leur soi-disant beauté et utilité ? Et ne sont-elles pas toutes belles, ne sont-elle pas toutes utiles à leur manière ? Nous ne percevons pas leurs beautés et leurs qualités, souvent parce que nous ne savons pas les regarder et les contempler. Et elles sont parfois jugées inutiles et nuisibles, simplement parce que nous n'avons pas encore trouvé, répertorié, identifié toutes leurs caractéristiques. Et puis, si elles ne sont pas utiles à ma personne et au domaine des humains, ne sont elles pas utiles et indispensables, à un tas d'animaux petits et grands, ou à l'équilibre naturel lui-même ? N'est-ce pas présomptueux de présumer de l'utilité et de la beauté des plantes ? Ce jugement n'est-il pas effectué par rapport à ma propre personne, et non pas en fonction de l'équilibre de la création comme considérée dans une bien plus vaste perspective ?

 

     La parabole du bon grain et de l'ivraie nous enseigne qu'il nous faut combattre nos tentations à tout rapporter à nos propres personnes, et à l'immédiateté de ce dont nous pourrions espérer bénéficier de nos actions et activités. Dans nos conversations courantes, il est commun de prononcer une parole jugement au sujet de telle ou telle situation, ou même de telle ou telle personne. Mais il est pourtant facile de comprendre le fait suivant : si la personne qui se permet de juger avait été placée dans les mêmes conditions que la personne jugée, il n'est pas du tout assuré qu'elle aurait mieux agit ! Nous sommes donc invités à un peu d'humilité et de profondeur de vue.

 

     Le jugement, l'indignation a pour conséquence de nous couper et de nous désolidariser de la personne ou de la situation que l'on traite, car le jugement nous positionne en situation de pouvoir et d'autorité. Le simple fait de commencer un propos par ces quelques mots « je suis choqué par... » risque fort de décourager la parole de la personne dont on parle, et la rencontre sera compromise. Or, quel est l'appel lancé par Jésus, si ce n'est celui de guérir et sauver, plutôt que celui de juger et condamner ? Peut-on réaliser cela sans rejoindre les personnes là où elles en sont ? Plutôt que de chercher à transformer les autres par ma parole en surplomb, n'est-il pas davantage utile de me demander ce qui devrait changer en moi, afin que je puisse devenir un agent et un instrument de transformation par la qualité de mon être ? La parabole de Jésus pointe vers la qualité de la patience que nous devons tous demander avec humilité, pour soi-même bien davantage que pour les autres. Certes, le temps de la moisson et du jugement viendra, mais seulement sur ordre du maître de moisson. Il ne nous appartient pas d'en hâter le jour et l'heure.

 

     La construction du royaume de Dieu, la mise en place d'un peu plus de justice et de beauté dans notre monde ne peut se faire que par l'action patiente et persévérante de chacun d'entre nous, appliqué sur soi-même surtout. Lorsque nous sommes tentés de penser à la place de nos prochains quel est la nature de leur plus grand bien, et d'en forcer un peu le chemin, nous risquons fort de ne leur apparaître que comme des êtres arrogants, prétentieux, orgueilleux et insolents. Cela n'aboutit à rien. En revanche, si nous pensons pour nous même quel est ce plus grand bien, afin de l'appliquer dans nos propres existences, la joie, la paix et les qualités intérieures que j'aurais travaillé et cultivé sur ma personne pourront naturellement attirer et séduire, de telle sorte qu'elles puissent spontanément être imitées par un grand nombre.

 

     Les deux autres paraboles que nous propose Jésus dans l'évangile semblent appuyer cette interprétation : ce qui peut nous paraître ridiculement petit et insignifiant est capable de se frayer un chemin, de telle sorte qu'il finit par transformer tout l'ensemble. Ainsi, la graine de moutarde peut finalement accueillir et protéger les oiseaux du ciel, et le levain transformer toute la pâte. Finalement, c'est de faire preuve de foi et de confiance qui nous est demandé au travers l'enseignement de cet évangile. Luttons et prions pour davantage de patience et d'humilité, pour davantage de confiance aussi envers le maître de la moisson qui agira, c'est certain, mais en son temps et en son heure. Mais surtout, prions pour que nous ayons davantage de confiance dans le fait qu'une transformation si infime soit-elle sur nos propres personnes dans le sens de davantage de justice, de beauté et de vérité, soit susceptible transformer tout l'ensemble !

 

 

16e Dimanche Temps Ordinaire – Année A

 

 

1. Sagesse 12, 13-19 : À ceux qui ont péché, tu accordes la conversion.

 

2. Psaume 85 : Toi qui es bon et qui pardonnes, écoute-moi, mon Dieu !

 

3. Romains 8, 26-27 : L'Esprit intervient pour nous par des cris inexprimables.

 

 

 

4. Matthieu 13, 24-43 : Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson.

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