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4 mars 2020 3 04 /03 /mars /2020 13:50
Abbaye de Solignac

Abbaye de Solignac

 

Rencontrer ce Dieu qui nous constitue

 

Dimanche de la Transfiguration

 

 

     La période du carême est l'occasion d'effectuer différents exercices, et parmi eux est l'examen de conscience. En faisant le mien, je m'aperçois qu'il est une chose qui m'embarrasse de plus en plus, et qui est la suivante : je ne parviens plus à répondre à toutes les personnes qui communiquent avec moi d'une manière ou d'une autre. Il fut un temps où je parvenais à répondre de manière individuelle et personnalisée. Mais j'ai peur que, tout simplement, je n'y parvienne plus. Il y a un tas de raisons pour cela. Mais je ne vais pas me chercher des excuses.

 

     Sans doute, ce fait est-il part de nos communes expériences : un jour ou l'autre, quelqu'un sur qui l'on comptait ne répond plus à nos appels, à nos invitations de communication ou de rencontre. Et puis aussi, il est le jour où c'est soi-même qui ne parviens plus à honorer tous les appels reçus. Pourquoi cela ?

 

     Afin de pouvoir rencontrer une autre personne, afin d'accueillir quelque chose d'elle-même, afin de vraiment pouvoir communiquer avec elle, il est nécessaire d'avoir un esprit suffisamment libre et disponible. Je ne peux pas vraiment communiquer avec qui que ce soit, si je suis remplit de moi-même et de mes propres préoccupations. Suis-je toujours prêt comme Abraham à quitter le pays et la maison de mon père afin de partir à l'aventure de la rencontre ?

 

     Se libérer la tête et l'esprit afin de permettre l'accueil de l'autre est un exercice souvent difficile. Mais en même temps, c'est un exercice salutaire. En effet la personne qui s'offre à moi pour un partage, pour une rencontre, peut devenir l'instrument avec lequel il m'est permis de me distraire et de me détacher, au moins pour un moment, de ce qui me préoccupe le plus. Cette personne m'offre de faire en sorte que le sujet de mes préoccupations ne m'envahisse ou ne me submerge pas complètement. Peut-être, cette personne est elle placée en face de moi afin de me rappeler quelque chose d'essentiel. Elle me permet d'éviter le court-circuit fatal qui s'installe dès lors que je me mets à ressasser mes idées en boucle, sans que je puisse les partager, surtout si elles sont négatives ou nocives.

 

     Je remarque souvent que pour beaucoup d'entre nous, il s'établit spontanément une association entre la réalité de ce que nous sommes en profondeur et le concret des activités que nous effectuons, et les événements avec lesquels ces activités se trouvent liées. À tel point que dès lors que les activités (responsabilités) se trouvent affectées, la personne peut en subir de plein fouet toutes les conséquences nocives sur sa personne même : découragement, perte de confiance en elle-même, angoisse, dépression, qui parfois peut mener au suicide. Combien est-il difficile et délicat parfois de convaincre la personne concernée d'être plus grande que la somme de ses activités et de ses relations!

 

 

     Mais comment tout cela peut-il concerner cet étrange récit dit de « la transfiguration » que nous venons d'entendre ? Et puis, qu'est-ce que ce récit si mystérieux vient-il faire dans le temps du carême ?

 

     Pour le comprendre, il me semble nécessaire de rappeler le fait que le récit dit de la “transfiguration” selon Saint Matthieu (l'évangéliste qui nous concerne en ce jour) est placé entre deux annonces de la passion dramatique (c'est-à-dire de la souffrance) du Christ. En Matthieu 17, 21, il nous est dit ceci : « dès lors, Jésus Christ commença à montrer à ses disciples qu'il lui fallait s'en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et le troisième jour se relever ». Et il en est de même, dans les épisodes qui suivent l'évangile de ce jour, et dans lesquels se trouvent d'autres évocations des souffrances qui attendent Jésus. Ainsi, en Matthieu 17, 21, il est écrit ceci : « Jésus leur dit : le fils de l'homme va être livré aux mains des hommes, et ils le tueront, et le troisième jour il se relèvera. »

 

     Jésus avait toutes les raisons du monde d'être préoccupé, inquiet, anxieux, angoissé : le combat dans lequel il s’apprête à s'engager est perdu d'avance ! Il lui sera nécessaire d'aller au bout de l'humiliation et de l'écrasement ! Il va être tué par les hommes à la suite de terribles souffrances, il le sait et il le répète. C'est ce contexte précis de la souffrance et de la mort, annoncées et prédites de Jésus, qu'il s'agit de bien comprendre, afin de saisir toute la portée du récit de la transfiguration.

 

     C'est que, au même moment où la défaite du travail et de l'apostolat de Jésus se fait connaître dans la certitude d'une souffrance des plus amères, surgit une relation, une communication, une rencontre suscitée par le Père. Au travers l’événement de la transfiguration, Dieu communique et se révèle à Jésus. Et nous observons deux choses:

 

 

     1. Jésus répond par toute sa présence et son attention à cette invitation. S'il reste capable d'entendre la voix de son père, c'est qu'il ne rumine pas tous les détails du drame qu'il va vivre et qu'il sait imminent. Jésus n'est pas totalement submergé, envahit, détruit par la somme des mauvaises nouvelles qui lui tombent dessus. Il reste capable de l'accueil, de l'écoute et du partage. Jésus reste apte à se lier avec un autre qui communique avec lui, à la différence de ce que parfois, je ne fais pas, lorsque (par exemple) je n'honore pas d'une réponse le message d'une personne qui cherche mon attention. Jésus n'est pas tant enfermé dans son malheur qu'il ne puisse entendre ni comprendre une parole venue d'un autre.

 

 

     2. Jésus comprends particulièrement bien le fait que les souffrances vers lesquelles il s'engage ne sont pas le tout de sa vie. Il demeure autre chose. Il subsiste la réalité de son père qui continue de l'aimer, malgré tout. Jésus est plus que jamais, le fils que Dieu chérit, puisque c'est le message exprimé de par le ciel. Jésus est le bien-aimé, au-delà de toutes les expériences qu'il puisse faire. À la différence des apôtres, Jésus se montre capable d'entendre cette perspective de souffrances qui le concerne. Et en même temps, il parvient à ne pas être totalement abattu et détruit par ces affreuses nouvelles, comme nous le serions si facilement.

 

     Si Jésus garde intacte la qualité de sa relation avec son père, c'est sans doute parce que la dignité et la gloire de sa personne, c'est de Lui qu'il les tient et non pas des hommes. Si les hommes vont le décevoir, il comprend que Dieu ne le décevra pas, et cela lui suffit. Jésus n'identifie pas, n'associe pas la dignité de sa personne avec ce qui va survenir de ses activités et de ses relations. Ce qui le constitue en profondeur vient de plus loin, et n'est pas affecté par le drame humain qui se joue.

 

     Ce qui se passe lors de cet événement de la transfiguration se présente ainsi comme une illustration parfaite du verset de l'évangéliste Jean au chapitre 5 et au verset 44 qui nous dit ceci: « Comment pourriez-vous avoir foi, vous qui recevez la gloire des uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Seul ? »

 

     Pendant ce temps du carême, il nous est également demandé de discerner quelle est cette gloire que nous aussi, d'une manière ou d'une autre, nous recherchons: s'agit-il de celle de Dieu ou de celle des hommes?

 

 

2e Dimanche de Carême

Dimanche de la Transfiguration

 

1. Genèse 12, 1-4: La Vocation d'Abraham, le père du peuple de Dieu.

2. Psaume 32: Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi.

3. 2 Timothée 1, 8-10: Dieu nous appelle et nous éclaire.

4. Matthieu 17, 1-9: son visage devint brillant comme le soleil.

 

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