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17 septembre 2020 4 17 /09 /septembre /2020 08:56
Vitrail de l'Église de Montchevrel (Orne - 61)

Vitrail de l'Église de Montchevrel (Orne - 61)

 

Le Royaume des Cieux contre une Banane

 

 

     Il s'agit aujourd'hui d'un évangile des plus énigmatiques, des plus difficiles à apprécier pour nombre de mentalités contemporaines, marquées par un sens de justice exacte, selon laquelle tel travail vaudrait telle somme de monnaie. Mais le regard et l'attitude du maître de moisson n'est pas dépendant des intentions de ses ouvriers. Tout en respectant ses promesses et ses devoirs, il se garde le droit et le pouvoir d'être généreux et bon, pour qui il veut.

 

 

     Tentons l'analyse suivante : à quelles questions précises répond ce texte ?

 

 

     1. Ce texte ne répond pas à la question des chefs d'entreprises qui se demanderaient de quelle manière ils devraient rémunérer leurs employés. Cet évangile n'est pas la circulaire « Jésus » qui devrait être appliquée par les comptables et trésoriers afin de rédiger les fiches de paies du personnel. En fait, les préoccupations de Jésus étaient éloignées des considérations monétaires et financières, et Jésus reste davantage connu pour avoir décrié l'attachement à l'argent plutôt que pour avoir régulé sa distribution. L'interprétation littérale est portée à des applications assez limitées.

 

 

     2. Comme bien souvent chez l'évangéliste Matthieu, le texte répond d'abord à la question posée par le texte qui précède immédiatement. Dans le cas qui nous concerne, il s'agit de la réponse à une question que Pierre pose au sujet de la récompense qui pourrait lui être accordée, à lui et aux autres disciples, pour la raison d'avoir accepté de tout quitter, afin de suivre le Christ : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre : alors, qu'est-ce qu'il y aura pour nous ? » Jésus répond directement à la question de Pierre :

 

 

     « Amen, je vous le dis : quand viendra le monde nouveau, et que le Fils de l'homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m'avez suivi, vous siégerez vous-mêmes sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël. Et tout homme qui aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra beaucoup plus, et il aura en héritage la vie éternelle. Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers » (Matthieu 19, 27-30).

 

 

     Un tel discours ne pouvait pas manquer de surprendre Pierre et ses amis, et d'engendrer une série d'autres questions. Par exemple, il pouvait leur paraître évident que les douze sièges de jugement sur les douze tribus d'Israël étaient déjà des places réservées pour le bénéfice des grands personnages de l'histoire sainte : qu'en sera-t-il des grand patriarches, des prophètes et des rois ? Quelles seront leurs sièges, si nous-mêmes serons ainsi les chefs ?

 

     L'affirmation de Jésus pouvait paraître aussi incongrue que s'il nous étaient promis au ciel les mêmes honneurs que ceux des plus grands saints de toute l'histoire de l'église ! Subtiliser les places d'honneur réservés à Saint Paul ou à Saint François d'Assise, à Sainte Thérèse ou à Mère Teresa en quelque sorte ! Impossible ! Et bien justement, le texte essaie de nous convaincre du fait que ce n'est pas impossible ! Quel que soit le moment où l'on se lève pour travailler pour le royaume, il n'est pas impossible de les rejoindre ! Il n'est pas impossible de recevoir les mêmes honneurs et les mêmes récompenses que ceux que nous pouvons imaginer pour eux ! Considérant les choses de cette manière : est-il encore vraiment plausible de nous imaginer à la place des premiers venus, à la place de celles et ceux qui ont travaillé le plus longtemps à la vigne ?

 

 

     3. Ce texte peut éventuellement également offrir des réponses à une série de questions d'ordre pratiques pour nos vies quotidiennes et ordinaires : à quoi devons-nous nous attacher le plus ? Sur quoi doit porter notre regard ? Est-ce juste de se préoccuper de ce que reçoit le voisin, lorsque ce qui m'est promis m'est remis, ou peut l'être, et même bien au delà?

 

     Devant le succès du piège à bananes évoqué à l'église dimanche dernier, je rappelle ici de quoi il s'agit. La question est simple : comment attraper un singe sans le blesser ni le tuer ? Ce n'est sans doute pas la préoccupation majeure des lecteurs, mais elle peut éclairer notre propos. Afin d'attraper un singe, il suffit de choisir un arbre de taille conséquente. Il nous faut creuser, tailler à l'aide d'une fente fine un trou dans le tronc afin de pouvoir y déposer une banane. Le trou doit être suffisamment large pour pouvoir y passer la main du singe lorsque celle-ci est ouverte, mais pas suffisamment large pour laisser passer la main lorsque celle-ci est fermée, en particulier avec la banane qu'elle peut saisir. Dès que le singe a passé sa main dans le trou afin d'y saisir la banane, il suffit d'aller l'attraper. La peur fera qu'il oubliera d'ouvrir sa main, de lâcher la banane pour qu'il puisse se sauver ! C'est l'attachement inconsidéré à la banane qui ainsi produit sa perte.

 

     Les applications de cette métaphore peuvent être multiples. Je laisse le soin aux lecteurs de considérer les choses qui peuvent, dans leur vie, remplacer la banane. L'évangile, à sa manière, nous invite à toujours porter notre regard sur le créateur tout autant que sur les bienfaits de la création, et de ne pas nous couper de ce qui peut nous sauver, comme par exemple, le lien avec Dieu et le lien de bienveillance avec les uns et les autres.

 

     Nourrir, entretenir la conviction de se savoir aimés, désirés, par quelqu'un qui nous veut à la place où nous sommes, en cette vie, est plus précieux que les cacahuètes qui justement soutiennent cette vie. Purifions nos regards, demandons la grâce de pouvoir suffisamment lâcher nos bananes afin d'accéder pleinement à la joie et au salut.

 

 

Vitrail de l'Église de Montchevrel (Orne - 61)

Vitrail de l'Église de Montchevrel (Orne - 61)

25e Dimanche Temps Ordinaire – Année A

 

1. Isaïe 55, 6-9 : Mes pensées ne sont pas vos pensées.

2. Psaume 144 : Proche est le Seigneur, de ceux qui l'invoquent.

3. Philippiens 1 : Pour moi, vivre c'est le Christ.

4. Matthieu 20, 1-6 : Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?

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commentaires

C
Lacher la banane cela va bien au-delà d' un simple examen intellectuel sur ce à quoi nous sommes attachés, c'est quotidiennement l'écoute d'un subtil ressenti devant les événements que la vie nous propose. Un vrai débroussaillage intime... quelle entrprise!!! douloureuse mais aussi exaltante.<br /> Merci pour ce regard.
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