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11 septembre 2020 5 11 /09 /septembre /2020 08:43
Homélie du 24e Dimanche du Temps Ordinaire - Année A

 

Trois Rappels au Sujet du Pardon

 

 

     La semaine dernière, l'évangile commençait par les mots suivants, prononcés par Jésus : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul... » Cet évangile poursuivait par le fait que dans le cas où il refuserait d'écouter, il serait nécessaire d'impliquer d'autres frères dans le but de le corriger, et dans les cas extrêmes, était évoqué la nécessité de la sanction ultime ou suprême, qui est l'exclusion totale de ce frère de la communauté.

 

     L'évangile d'aujourd'hui commence presque de la même manière avec une proposition sous forme de question qui s'adresse à Jésus : « Lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner (…) ? ». Nous le voyons, le pardon soudainement remplace la sanction, et le pardon illimité (soixante dix fois sept fois) remplace la sanction la plus extrême (l'exclusion). (L'évangile de dimanche prochain fournira un commentaire, une illustration, qui comporte la clé afin de parvenir à une compréhension de cette nécessité du pardon, mais n'anticipons pas trop !)

 

     Autrement dit, la même situation (la faute du frère) engendre dans ces deux épisodes deux réponses qui nous apparaissent totalement contradictoires. Dans le premier cas, il s'agit de la réprimande ou du reproche qui débouche sur la sanction, et dans le deuxième, du pardon illimité. Or, ces deux épisodes ont été écrits par la même personne (l'évangéliste Matthieu) et dans le même chapitre ou dans la même partie de son livre (le chapitre 18). Il pourrait apparaître que le disciple de Jésus qui pose la question aujourd'hui n'a pas bien écouté l'enseignement qui lui était adressé juste avant. Mais Jésus ne le reprend pas. Il ne lui dit pas « tu n'as donc pas entendu ce que je viens de dire, lorsque ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul...» Bien plutôt, il engage son discours sur la nécessité du pardon.

 

     Mais, pour ce qui nous concerne, comment réconcilier ces deux épisodes qui nous paraissent si contrastés voire contradictoires ? Que retenir ? Quel enseignement finalement ? Que faut-il choisir : le reproche, la réprimande ou bien le pardon et l'acquittement face à la faute du frère ?

 

     Je suis désolé d'avoir à vous le dire : il ne faut rien choisir. Il faut tout prendre. Cependant, nous pouvons éclairer l'enseignement à l'aide de trois rappels.

 

 

     Premier rappel : la nécessité absolue de l'unité

 

     Les deux épisodes évoqués sont en fait séparés par deux phrases qui disent la chose suivante : « si deux d'entre vous sur la terre se mettent d'accord pour demander quoi que ce soit, ils l'obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux. » Si notre rassemblement d'aujourd'hui, (comme tous les rassemblements que nous avons en église) se veut avoir du sens, il est impératif d'être en accord les uns avec les autres, de chercher cet accord, de tendre vers cet accord. Les factions, les divisions, les cliques qui nous divisent entre nous, sont vraiment ce que nous avons à redouter et à craindre le plus. Rendre le Christ présent, demander à ce qu'il soit aimé, servi, loué n'est possible qu'à travers le témoignage de notre unité. C'est la préoccupation essentielle de l'évangéliste Mathieu, comme c'est celle de Jésus qui a expliqué que si le monde ne croit pas ou ne croit plus, c'est parce que ses témoins et ses disciples ne sont pas suffisamment unis.

 

     Ainsi, les deux attitudes qui nous paraissent contradictoires, soudainement s'unissent et s'éclairent mutuellement lorsque nous gardons bien vivant dans nos esprits cette nécessité de l'unité entre nous. Lorsque un reproche doit être effectué, que ce soit pour le bien de l'unité. Quand c'est le pardon qui est donné, que ce soit pour le bien de l'unité. Car, rien n'est possible si nous ne sommes pas unis. Tout est possible si nous le sommes.

 

 

 

     Deuxième rappel : l'unité ne se fait pas dans le mal ou dans la faute

 

     Chaque dimanche, nous écoutons et méditons un petit bout d'évangile, souvent déconnecté de ce qui le précède et de ce qui le suit. Le risque est d'en tirer des conclusions hâtives et erronées. Par exemple, une lecture rapide et isolée de l'épisode d'aujourd'hui, pourrait facilement nous conduire vers une perception du pardon qui serait une compromission avec le mal. Une personne commet une faute, et nous l'accepterions par résignation, par renonciation, par abandon, par indifférence. Pardonner le criminel par avance. Cela ne serait absolument pas acceptable. Cela ne serait vraiment pas tenable. L'unité nécessaire, l'unité souhaitée, désirée, voulue, ne peux pas être une unité dans le mal ou dans le péché, car nous deviendrions, de ce fait, des témoins de la faute et du péché et non plus du Christ. Le devoir de pardon ne peut absolument pas engager une compromission avec la faute ou porter vers une renonciation de l'exigence de justice. Ce serait une grossière erreur que de le croire, de le penser ou de le vivre.

 

 

     Troisième rappel : il nous est possible de ne pas être dominé par le mal

 

     La nécessité du pardon nous sera éclairée par la parabole de dimanche prochain, qui nous fournira un enseignement imagé afin de bien la comprendre. Mais déjà, nous pouvons signaler la chose suivante : le pardon nous est possible. Je sais que certains d'entre nous ne sont pas d'accord avec ce que je dis, mais je le répète quand même : le pardon nous est possible.

 

     Et afin de comprendre la manière dont il nous est possible, peut-être nous faut-il aborder pourquoi il nous paraît si souvent difficile, voire impossible.

 

     Ce que je remarque dans nombre de situations est la chose suivante : l'identification, l'association excessive mais fréquente d'une activité, avec la personne qui l'effectue. Il est bien normal de s'identifier avec ce que l'on fait. Mais il est excessif de s'y réduire. Une critique qui est éventuellement adressée à une activité que je mène, une action que j'entreprends, une parole que j'ai pu dire, n'est pas automatiquement, systématiquement une remise en question de toute ma personne et de tout ce que je suis !

 

     Pourquoi devrais-je me trouver ébranlé par rapport à une critique que j'ai pu entendre au sujet de tel ou tel aspect d'une activité déterminée que je mène ? Pourquoi, me semble-t-il, attendons-nous si fréquemment de notre prochain qu'il soit une simple extension de ce que je pense ou de ce que je fais ? Pourquoi avons-nous si peu de capacité à accueillir l'altérité, la différence ? Pourquoi perdons-nous la joie de la découverte et de la rencontre ? Est-il si compliqué d'avoir des goûts différents, et de l'accepter entre nous ? Reconnaître que nous sommes marqués par des aspirations différentes, et c'est tant mieux ! Pourquoi cela nous empêcherait-il de rester respectueux et courtois ? Si j'aime le latin, pourquoi tout le monde devrait-il être avoir le même goût? Et si je ne l'aime pas, puis-je en supporter de temps en temps pour dire à mon frère qu'il est plus précieux que la langue que j'utilise ? Si j'aime telle musique, est-il justifiable de l'imposer systématiquement à tous mes frères et sœurs de la communauté ? Est-ce que je connais la trajectoire, l'histoire de la personne en face de moi pour que je puisse toujours lui imposer ce qui me plaît ou ce qui me convient ? Est-ce la fraternité qui nous guide dans nos communautés ?

 

     Bien souvent, ce qui nous empêche de pardonner, c'est à la fois notre incapacité à accueillir la profondeur de la différence de notre prochain, en même temps que notre incapacité à accueillir notre propre faiblesse et fragilité. Ne nous laissons pas envahir par la violence, la colère, le ressentiment et le mal. Une manière de les combattre est d'accueillir le don de Dieu afin de mieux le propager autour de nous. Qu'avons-nous que nous n'ayons pas reçu ? Devenons les témoins de la miséricorde et du pardon au lieu de servir notre orgueil. Identifions ce qui nous divise pour le combattre et œuvrons pour l'unité.

 

 

 

 24e Dimanche Temps Ordinaire – Année A

 

 

     1. Ben Sirac le Sage 27, 30 - 28, 7 : Pardonne à ton prochain le tort qu'il t'a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis.

 

     2. Psaume 102 : Le Seigneur est tendresse et pitié.

 

     3. Romains 14, 7-9 : Nous vivons et nous mourons pour le Seigneur.

 

     4. Matthieu 18, 21-35 : Je ne dis pas qu'il faut pardonner jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix sept fois.

 

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commentaires

C
Formidable l'homélie de ce dimanche : une grande fermeté saupoudrée d'une infinie délicatesse . L'assemblée était captivée et le piège de la banane très parlant
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