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20 février 2020 4 20 /02 /février /2020 07:00
Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22)

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22)

 

Aimer ses Ennemis :

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon

 

 

     Avez-vous remarqué combien les petits enfants, les enfants en bas âge aiment beaucoup jouer à se cacher ? Les jeux de « cache-cache » sont toujours très populaires. « Je suis là ! » « Je ne suis pas là ! » semblent-ils dire au travers cette activité récréative. Jouer à se cacher semble remplir une fonction, un rôle bien particulier pour l'enfant, qui est celui d'intégrer cette expérience, nouvelle et merveilleuse, qui est celle d'être simplement présent, présent à l'autre avec lequel il peut entrer en relation. Jouer à se cacher est une manière de se familiariser avec cette nouvelle conscience d'être et d'exister dans un environnement et dans une communauté. Il s'agit d'une manière de s'habituer, de s'acclimater avec tout ce que cette expérience implique.

 

     Être présent, exister, vivre, habiter. Voilà une première fonction du vivant dont les humains ont le privilège de la conscience. Et justement, la conscience qui caractérise l'espèce humaine porte à immédiatement poser la question suivante : comment vais-je remplir ce formidable espace de présence qui m'est offert ? Que vais-je en faire ? Quel contenu vais-je y mettre ? Comment vais-je qualifier mon être ? Vers quel projet dois-je orienter ma vie et tendre mes efforts ? Que vais-je construire ?

 

     L'enseignement, difficile, que Jésus nous offre aujourd'hui est pour nous aider à répondre à ces questions. Il nous rappelle en effet que le mal existe. L'adversité, l'opposition, parfois personnifiée au travers la figure de l'ennemi reste toujours une possible expérience. Et nous savons bien que cela fait partie du réel et du vécu, puisque nous en faisons l'expérience. Il me semble que le difficile enseignement de Jésus au sujet du pardon à remettre aux ennemis est pour nous demander de ne pas nous laisser détruire par le mal. Le mal peut m'affecter. Pourtant, rien ne m'oblige d'y répondre par un autre mal. L'expérience du mal ne va pas jusqu'à m'enlever ma liberté. Est-ce le mal qui m'affecte qui doit colorier la qualité de ma présence aux autres et au monde ? Quelle personne en vérité aimerais-je devenir ? Et est-ce que j'y travaille si je me laisse affecter, entraîner et détruire par le mal avec lequel je suis confronté ?

 

     Sans doute, après avoir dit cela, nous faut-il immédiatement clarifier : lorsque Jésus nous demande d'« aimez vos ennemis », il ne nous demande pas de pardonner, dans le sens de laisser faire, d'accepter ou de consentir au mal qui est commis. Cela ne serait que démission, irresponsabilité et finalement, faiblesse. Le crime n'est pas acceptable, il n'est jamais acceptable, il ne sera jamais acceptable et il nous est pas demandé de l'accepter. Aimer ses ennemis, ce n'est pas la même chose que d'aimer le mal en lui-même. Le livre du Lévitique, dont nous avons lu un extrait en première lecture, me semble préciser cela de manière très claire : « tu n'auras aucune pensée de haine contre ton frère. Mais tu n'hésiteras pas à réprimander ton compagnon, et ainsi tu ne partageras pas son péché. »

 

     Nous avons ici l'amorce ou l'annonce d'une distinction, d'une différenciation des plus importante dans l'éthique chrétienne : celle qui est établie entre le mal qui est fait, et la personne qui le commet. Nous ne sommes pas autorisés à réduire la personne au mal qu'elle aurait commis. La personne est toujours plus grande que le mal qu'elle a commis. C'est ce qui poussait Saint Augustin à expliquer dans une formule latine ramassée : « le mal que tu commets, je le déteste, mais toi, je t'aime. »

 

     La requête que Jésus nous fait de pardonner aux ennemis, ne nous acquitte pas, ne nous décharge pas de la responsabilité qui demeure la nôtre. Il demeure légitime, nécessaire et indispensable d’œuvrer afin de prendre soin et de protéger, en particulier les membres les plus démunis et les plus faibles de la communauté. Il nous faut chercher à les épargner du pouvoir du mal, et ceci dans toutes les mesures de nos capacités. Il reste de notre devoir de travailler à la neutralisation des forces mauvaises et criminelles. Nous ne sommes pas autorisés à laisser faire le crime, surtout s'il est en notre pouvoir de le combattre, et de faire en sorte qu'il cesse. La limite à ma liberté, ce n'est pas la liberté de l'autre comme le proclamait faussement les slogans séduisants de mai 1968. Bien plutôt, la limite à ma liberté, c'est ma responsabilité, c'est la capacité que j'ai à transformer le monde et les cœurs pour le meilleur. Ce que nous demande Jésus n'est pas une soustraction aux devoirs que chacun porte envers le prochain et envers l'environnement. Toujours, il nous est demandé de ne pas laisser faire le mal, mais de le prévenir, de le combattre et de le sanctionner, à chaque fois que cela nous est possible.

 

     En l'année 2019, le prix littéraire Goncourt a été remporté par l'écrivain Jean-Paul Dubois, pour un livre au titre très évocateur : « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon». Je ne connais rien de ce livre, mais j'aime beaucoup son titre. Si les hommes peuvent habiter le monde de diverses manières, il est tout aussi exact qu'ils peuvent se laisser habiter bien différemment les uns des autres. Jésus nous conseille aujourd'hui ne pas nous laisser habiter, dominer et détruire par les idées de vengeance, de haine ou d'amertume dans nos cœurs. Il s'agit de rien de moins que de ne pas régler nos comportements sur celui du méchant, et par là même nous laisser dominer et détruire par son pouvoir. Ne laissons pas au mal la liberté de nous conditionner, de nous décourager, de nous abattre et de nous anéantir. La vie est ainsi faite, que tôt ou tard, nous sommes exposés à des blessures, des offenses qui nous font du mal. Certaines personnes envers lesquelles nous avions beaucoup de confiance nous trahissent. Pour d'autres, il s'agit d'un espoir déçu, d'un amour trompeur. Et puis, nous pouvons d'une manière ou d'une autre tomber victimes de délits ou de crimes variés. Je me souviens par exemple, alors que je me promenais dans une grande ville étrangère, d'avoir conversé avec un homme pendant plus d'une heure. La conversation était intéressante, vive, j'avais confiance. Mais cette conversation s'est terminée lorsqu'il est parti avec mon argent. Je me suis laissé avoir. Que vais-je alors faire de cette blessure ? Va-t-elle s'emparer de mon âme ? Vais-je garder ma capacité à partir à la rencontre de l'inconnu ?

 

     Devant ce genre de méfaits, de délits qui peuvent nous arriver, et devant les malfaisances et de leurs blessures conséquentes bien plus graves encore qui peuvent survenir, quelques questions nous sont posées : allons-nous nous laisser manger, dominer par le mal ? Allons-nous accepter que ce mal nous détruise, comme par exemple en acceptant de nous laisser dominer par les reproches et l'amertume ? Combien de fois nous devenons malheureux parce que nous ne parvenons plus à surmonter ce genre d'épreuves, en pardonnant et en se pardonnant à soi-même, afin de pouvoir aller de l'avant avec plus de liberté et de dynamisme. Oui, ce pardon nous dit Jésus est inconditionnel et impératif. Oui, quelque part, au fond de nos consciences, nous sommes tous libres de faire un choix, celui de devenir grincheux et amer en entretenant les blessures dont nous sommes victimes, ou en devenant témoins de l'amour qui nous est offert par Jésus qui est au dessus de toutes nos expériences malheureuses qui peuvent survenir. Il en va de notre qualité de fils et de filles de Dieu.

 

     C'est Dieu, sa parole, son exemple et la nourriture qu'il nous offre chaque dimanche qui doit devenir la règle de nos comportements et de nos vies. Ne laissons pas au mal et au malin la possibilité de prendre cette place.

 

 

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22) Détail.

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22) Détail.

 

7e dimanche du temps ordinaire – année A

 

1. Lévitique 19, 1-18: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

2. Psaume 102: Le Seigneur est tendresse et pitié.

3. 1 Corinthiens 3, 16-23: Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.

4. Matthieu 5, 38-48: Aimez vos ennemis.

 

 

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22)

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22)

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22) Détail

Vitrail de Église Paroissiale de Tressaint (Côtes du Nord - 22) Détail

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